Les thérapies anti-cancéreuses sur mesure
Le professeur Virchow, médecin à l’hôpital de la Charité à Berlin, était le premier chercheur à réaliser que les tumeurs cancéreuses étaient formées de cellules de son propre corps, des cellules malades, modifiées, cancéreuses. Ces cellules appartenant à un organe sont modifiées au court du temps en acquérant des altérations de certains gènes qui jouent un rôle essentiel dans la régulation de la prolifération. Il n’y a pas de cancer si le système de multiplication des cellules n’est pas modifié / altéré.
Le cycle de prolifération, la mitose, a été étudié en détail. Il permet à une cellule de se diviser et d’en former une nouvelle cellule identique en plus. De nombreuses protéines tel que RAS, RAF, MAPK, MAPKK produites dans la cellule stimulent la production des cyclines dans le noyau cellulaire (lieu des chromosomes/gènes). Les cyclines, en particulier la cycline D1, pousse la cellule à se multiplier, à débuter le cycle de la mitose. Elles s’associent à des kinases (CDK4 et CDK6) qui apportent des unités de phosphores pour stimuler la prolifération et inhiber le frein à la prolifération cellulaire.
Les connaissances de l’altération du cycle de prolifération cellulaire ont permis d’identifier les altérations clés dans une cellule cancéreuse. Le développement de molécules/drogues qui visent spécifiquement une ou plusieurs altérations a donné naissance à la thérapie ciblée. Cette thérapie ne touche pas ou très peu les cellules saines, mais se concentre sur les cellules cancéreuses avec le dommage identifié d’une tumeur spécifique. Cette thérapie ciblée est une des différentes modalités thérapeutiques des traitements du cancer. Actuellement, les chercheurs développent des centaines de substances qui ciblent les altérations clés des cellules cancéreuses.
La première thérapie ciblée prescrite en oncologie est le « tamoxifen ». Il s’agit d’une substance qui cible le récepteur oestrogénique localisé sur les cellules malignes du sein. Ce médicament est prescrit depuis plus de 50 ans aux patientes souffrant d’un cancer du sein en stade avancé ou local. La survie des patientes ainsi que leur qualité de vie est améliorée. Le tamoxifen étant spécifique il ne va pas induire une alopécie, une baisse des globules sanguins ou une fatigue fréquemment observés dans les chimiothérapies.
Des inhibiteurs de la kinase des cycline (CDK 4 et 6) ont été développé durant ces dernières années (palbociclib [Ibrance®], ribociclib [Kisqali], abemaciclib [Verzenios®]). Ces médicaments ont tous la même cible, mais se distinguent par différents effets secondaires (figure 1). Il sont tous enregistrés pour le cancer du sein en stade avancé et remboursés par les caisses maladies. Le médecin et sa patiente ont le choix, mais comment choisir le médicament à la fois efficace et le mieux toléré pour une patiente individuelle ? Notre essai clinique « Ribelle » étudie la tolérance du médicament Ribociclib (Kisqali®), un inhibiteur de la kinase des cyclines (CDK4-6), dans une situation de prescription de tous les jours.
La recherche en laboratoire sur des cellules malignes ont montré que dans certains cancers une surexpression de cycline D1 était responsable de la genèse de cette maladie. Connaissant cette altération spécifique, il est facile de développer une molécule qui va intervenir sur cette altération et stopper la prolifération.
La cycline D1 surexprimée/stimulée par des cascades de protéines dans le cytoplasme se lie à des kinases (CDK4/6) qui vont inhiber la protéine Rb (rétinoblastome) en y liant des unités de phosphore. Rb étant le frein de prolifération, la cellule va débuter son cycle de prolifération en passant dans la phase G1, puis la phase S (synthèse des chromosomes) et finalement G2 et la mitose (séparation des chromosomes et formation d’une 2ème cellule identique).
Les CDK4 inhibiteurs inhibent l’effet des kinases sur la protéine Rb, et évitent la prolifération tumorale. Le cancer ne peut plus croître.
Un grand nombre de molécules sont en phase d’étude clinique pour la validation de ces nouvelles drogues ciblées. Ces thérapies ont l’avantage d’agir surtout sur la cible présente dans la cellule maligne. Il est essentiel que tous les patients et patientes aient la possibilité de rejoindre un protocole de recherche permettant d’une part l’avancée scientifique sur la nouvelle molécule et d’autre part l’administration d’un médicament pas encore enregistré, donc pas sur le marché Suisse.