Une raison de participer aux protocoles de recherche, le manque de justice distributive
L'amélioration spectaculaire de nos connaissances sur les mécanismes moléculaires du cancer s’est traduite par la découverte et le développement de nouvelles approches thérapeutiques et de nombreuses nouvelles drogues. Pourtant le cancer reste et continuera d'être, dans un avenir prévisible, l'un des problèmes médicaux le plus important et non résolu. Les autorités réglementaires, en particulier dans le monde occidental, ont fait preuve d'une souplesse croissante dans l'examen de nouvelles méthodes d'évaluation des médicaments anticancéreux pour leur autorisation de mise sur le marché. Cela a conduit à une augmentation significative de la rapidité d'approbation de nouveaux médicaments ces trois ou quatre dernières années. Il faut néanmoins en faire encore plus pour s'adapter aux réalités changeantes de l'oncologie.
Actuellement, Swissmedic approuve la mise sur le marché d’un médicament en 12-20 mois en moyenne (selon la procédure demandée par la firme pharmaceutique). Il s’agit d’un intervalle bref. Le cadre réglementaire pour l'approbation de nouveaux médicaments a évolué au milieu du 20ème siècle, en grande partie en raison de problèmes de sécurité très médiatisés, par exemple les malformations congénitales induites par la thalidomide. Inévitablement, et à juste titre, cela a conduit à un état d'esprit privilégiant la sécurité pour l'évaluation des nouveaux médicaments. Le paradigme traditionnel de développement des médicaments repose sur une batterie relativement standardisée (en particulier pour la sécurité) d'essais précliniques suivis d'étapes séquentielles d’essais cliniques (phase I-III) conduisant à la mise sur le marché.
Aussitôt le médicament approuvé par Swissmedic et sa mise sur le marché, la firme pharmaceutique soumet le dossier à l’office fédéral de la santé publique (OFSP) pour prise en charge par les assurances sociales (caisses maladies). Cette soumission qui peut durer bien au-delà d’une année pose problème aux médecins et patients. Le médicament pourrait ou même devrait être prescrit par le médecin, mais la caisse maladie n’a pas l’obligation de le prendre en charge, le médicament ne figurant pas sur la liste des spécialités de l’OFSP. Une modification relativement récente de la OAmal (art. 71a-d) permet aux médecins conseils des caisses maladies d’évaluer le bénéfice thérapeutique. Il s’agit en fait d’analyser l’adéquation du rapport bénéfice/coût du médicament. Ceci demande des connaissances approfondies de la part du médecin conseil. L’assureur négociera ensuite le prix avec la firme pharmaceutique selon ce rapport coût/bénéfice.
En résumé, l'art. 71a-d de l'OAML permet un remboursement exceptionnel dans des cas individuels pour des médicaments ou des indications qui ne figurent pas dans la liste des spécialités. Toutefois, le remboursement selon l'art. 71 a-d OAmal n'est possible que si les critères suivants sont remplis :
- La maladie en question est mortelle ou peut entraîner des troubles de santé graves et chroniques.
- On peut s'attendre à un bénéfice thérapeutique élevé.
- Il n'y a pas d'autres méthodes de traitement efficaces disponibles sur la liste des spécialités.
En d’autres termes, le médecin a le droit et devrait selon les résultats des essais cliniques prescrire le médicament, mais ceci à la charge du patient ou de la caisse maladie, si celle-ci donne son accord de prise en charge. Cette décision peut varier d’une caisse à l’autre car l’analyse de la notion « bénéfice thérapeutique élevé », second critère pour faire valoir l’article 71a-d OAmal, dépend du jugement du médecin conseil. La justice distributive (prise en charge des frais indépendamment de la caisse maladie) n’est donc plus respectée dans tous les cas.
Les protocoles de recherche de médicaments phase II ou III (mesure des effets secondaires et de l’activité du médicament dans une maladie donnée) permettent aux patients de recevoir des médicaments en phase de développement. Parfois ils sont déjà sur le marché (acceptés par Swissmedic), mais ne sont pas admis par les caisses maladies car ne faisant pas partie de la liste des spécialités OFSP. Citons pour exemple la prise en charge d’une combinaison de deux médicaments d’immunothérapie (Ipilimumab (= YervoyR) et Nivolumab (OpdivoR)) pour les patients souffrant d’un cancer métastatique du rein. Il s’agit d’une situation non-curative ayant pour but d’éviter une progression tumorale et de maintenir une bonne qualité de vie.
Plusieurs essais en cours testent la faisabilité de l'utilisation de l'immunothérapie combinée (nivolumab et ipilimumab) en première ligne dans le cancer du rein métastatique, traitement prouvé efficace dans cette situation. Sa prise en charge par la firme pharmaceutique évite d’attendre la décision d’un éventuel remboursement et épargne au patient l’insécurité d’un éventuel rejet par la caisse maladie.
Le centre d’oncologie médicale de l’HFR Fribourg a activé ce protocole SAKK et permet de proposer aux Fribourgeois ce traitement du cancer du rein en stade avancé, en 1ère ligne.