Exemple d'un essai clinique: le protocole SAKK 63/12
Durant ces dernières années, nous avons eu l’opportunité d’administrer à nos patients souffrant du cancer de nouvelles substances. Celles-ci ont été développées suite à une meilleure compréhension de la biologie tumorale. La nouvelle molécule vise spécifiquement les altérations moléculaires responsables de la transformation néoplasique. L’analyse du génome des cellules cancéreuses au niveau moléculaire (analyse de l’ADN, substance contenant le code génétique) permet d’identifier le dommage génétique, donc la cause du cancer et de diviser les tumeurs en différents sous-groupes à biologie distincte. Ces résultats de laboratoire nous aident à individualiser les thérapies et à ajuster le traitement pour obtenir un potentiel maximum de succès.
Afin de mieux comprendre cette biologie des tumeurs, il est d’abord nécessaire d’enregistrer l’évolution clinique des patients et d’y associer leurs thérapies. La loi sur l’enregistrement des maladies oncologiques (LEMO du 18 mars 20169) oblige tous les cantons à tenir un registre. Fribourg a déjà anticipé ce besoin en créant son registre des tumeurs en 200610. Celui-ci nous donne le nombre exact de cancers diagnostiqués dans le canton et permet de comparer les thérapies et l’évolution, en particulier la survie de nos patients, avec les résultats des autres registres suisses.
D’autre part, afin de pouvoir comparer les résultats de la biologie d’une tumeur, son incidence et son évolution, il est nécessaire de créer des banques de tissus cancéreux (et de plasma) des patients enregistrés. Le protocole SAKK 63/12 du Groupe Suisse pour la Recherche Clinique sur le Cancer (SAKK) permet la constitution d’une banque de tissus et de sang pour les patients souffrant du cancer de la prostate. Tout nouveau patient avec diagnostic de cancer de la prostate est évalué dans le cadre du centre de la prostate lors de colloques multidisciplinaires (tumorboard, une fois par semaine). Dans ce même cadre, le malade est ensuite examiné par les médecins de l’oncologie médicale, permettant son enregistrement dans un des protocoles de recherche.
Les prises en charge après diagnostic d’un cancer de la prostate localisé sont multiples: radiothérapie, chirurgie ou même surveillance régulière (sans opération ou irradiation, mais biopsies et imagerie radiologique à intervalles réguliers). Il est souvent difficile de bien conseiller le patient car les essais cliniques effectués jusqu‘à ce jour n’ont pas pu démontrer l’avantage d’une thérapie par rapport à une autre. Il s’agit de développer des facteurs prédictifs se basant sur des résultats de biologie moléculaire afin de faire un choix de traitement fondé.
L’organisation du centre de la prostate permet une prise en charge globale dans laquelle la recherche clinique joue un rôle essentiel (Fig. 3). Selon les critères d’inclusion, tout cancer de la prostate nouvellement diagnostiqué sur la base d’un taux de marqueur tumoral (PSA) élevé, et chez qui une thérapie (surveillance rapprochée, radiothérapie ou chirurgie) est indiquée, peut être inclus dans le protocole SAKK 63/12. Le patient qui accepte d’être enregistré dans cet essai clinique est prié d’autoriser l’utilisation d’une partie de la biopsie de son cancer et de son sang à des fins de recherche biomédicales.
- Des échantillons de tissus prostatiques sont prélevés comme d’habitude lors du diagnostic du cancer de la prostate. Quelques coupes supplémentaires effectuées en laboratoire de pathologie sont ensuite centralisées.
- Du sang est également prélevé dans le cadre d’un examen de routine et son sérum stocké avec le tissu dans une banque biologique. L’anonymat est naturellement préservé, mais nous pouvons par la suite retracer la tumeur ou le sérum si cela devenait nécessaire pour le patient.
Fig. 3: Organisation du centre de la prostate. La recherche clinique est un élément principal de la prise en charge pour tous les patients.
Cette nouvelle banque de tissus prostatiques associée avec des données cliniques inclura un grand nombre de patients souffrant du cancer de la prostate. Les résultats de biologie moléculaire de la tumeur vont être mis en relation avec l’évolution de la maladie afin de pouvoir définir le meilleur traitement possible.
Cette nouvelle organisation du centre de la prostate avec le team de recherche soutenu par la Fondation a permis à Fribourg d’être l’un des centres les plus actifs du protocole 63/12 en Suisse, dépassant largement d’autres grands centres universitaires.